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Les préjugés limitent l’accès aux trousses médico-légales destinées aux victimes d’agression sexuelle

Les décisions du personnel de la santé d’utiliser ou non une trousse médico-légale pour recueillir des preuves sont influencées par des préjugés liés à l’origine ethnique, à la consommation de substances et à l’intervention policière, ce qui soulève des préoccupations sur les inégalités systémiques
A woman sits on a hospital bed.
Image par Getty Images.
ʳܲé: 4 September 2025

Une étude menée par une équipe de l’Université 91 a montré que les personnes qui survivent à une agression sexuelle dans les régions rurales et éloignées du nord-ouest de l’Ontario se heurtent à des obstacles systémiques lorsqu’elles cherchent à obtenir du soutien médico-légal.

Les trousses médico-légales servent à recueillir des échantillons d’ADN et des preuves de blessures à la suite d’une agression sexuelle. À l’extérieur des grands centres urbains, où se trouvent des établissements spécialisés, les trousses médico-légales sont habituellement utilisées dans les urgences des hôpitaux. Les chercheuses ont constaté que dans ces hôpitaux, la décision d’utiliser ou non la trousse était souvent fondée sur des stéréotypes ou des jugements de valeur plutôt que sur des critères uniformes.

« D’après les entrevues que nous avons réalisées, la personne la plus susceptible d’être considérée comme crédible et sans reproche, et donc la plus susceptible de recevoir une trousse, semble être la femme blanche qui n’était pas en état d’ébriété au moment de l’agression, qui ne connaît pas son agresseur et qui s’adresse à la police pour obtenir de l’aide », constate Kathleen Rice, professeure agrégée et directrice de recherche au Département de médecine de famille de l’Université 91, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en anthropologie médicale des soins de santé.

« Les personnes qui ne répondent pas à ce stéréotype de la “victime idéale” risquent de ne pas être crues ou d’être traitées de façon discriminatoire », soutient-elle.

Il s’agit de l’une des premières études au Canada portant sur l’accès aux trousses médico-légales. Ce sont surtout des groupes de défense qui avaient fait avancer la cause jusqu’à maintenant, ajoute-t-elle.

Des préjugés qui déterminent les soins

Sydney Timmermans, étudiante aux cycles supérieurs à 91 dont les travaux sont dirigés conjointement par l’Université 91 et l’Université Lakehead, a réalisé un sondage auprès des hôpitaux pour savoir lesquels disposaient de trousses médico-légales et de personnel formé pour les utiliser. Elle a ensuite mené des entrevues approfondies avec des membres du personnel des salles d’urgence.

Les entrevues ont fait ressortir trois points communs :

  • Consommation de substances : Les personnes sous l’effet de substances étaient souvent éconduites, étant jugées non fiables.
  • Intervention policière : Le témoignage des personnes accompagnées d’un(e) agent(e) de police était souvent plus crédible aux yeux du personnel hospitalier. Le témoignage des personnes sous garde policière était quant à lui souvent jugé comme exagéré ou faux.
  • Origine ethnique : Le témoignage des femmes autochtones faisait souvent l’objet de préjugés racistes et était mis en doute.

« Ces résultats sont troublants, mais pas surprenants, confie Kathleen Rice. Ce qui nous a étonnées a été de constater à quel point certains de ces préjugés demeurent ancrés aussi profondément encore aujourd’hui, en 2025. »

Comme les salles d’urgence sont souvent les seuls endroits où il est possible de se procurer une trousse médico-légale en région au Canada, ces résultats donnent à penser que le problème ne se limite pas à l’Ontario, ajoute-t-elle.

Invitation à modifier la prestation des soins

Il est essentiel que les trousses médico-légales soient accessibles, car elles peuvent servir à documenter des blessures, à recueillir des échantillons d’ADN, à détecter des infections et, si la victime le souhaite, à préparer un procès, fait remarquer Kathleen Rice.

Les chercheuses recommandent que les hôpitaux établissent des directives plus claires et qu’ils optimisent la formation offerte à leur personnel afin de contrer la discrimination dans le système de santé.

« Même les personnes qui avaient des préjugés étaient disposées à recevoir de la formation, souligne Kathleen Rice. C’est encourageant. Ça montre que les gens veulent faire mieux. »

On envisage de réaliser une étude de suivi auprès des hôpitaux du Québec.

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L’article « » publié dans la revue Violence Against Women a été rédigé par Sydney Timmermans, Jodie Murphy-Oikonen et Kathleen Rice.

’étܻ a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

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